Bon, et bien voilà, il va falloir trouver les mots pour vous raconter Vézelay. Je vais faire de mon mieux, mais sachez que ce sera très incomplet, très fade par rapport à l'expérience.
Le matin de ce 14 juillet commenca classiquement, par une remise en sac de tout mon fatras. Une charmante dame fouinant dans ma zone de bivouac, me questionna sur ma prèsence et me demanda si j'avais bien l'autorisation du maire. C'est ça rigolotte, à 22h, il aurait été content le 1er magistrat de me voir débarquer. Bref, j'étais donc face au cerbère de la commune, celle qui gesticule, qui sait ...et qui ne fait rien évidemment ; alors que d'autres préparaient le déjeuner républicain.
Je consommai très lentement les 10 km jusqu'à la colline éternelle ; Comme si je redoutais ce moment. Puis vers 13h30, à la sortie d'un magnifique chemin arboré, elle se dressa devant moi. Vingt-quatre jours, des centaines de litres de pluie reçus sur la tête, des centaines de réveils en sursaut pour des lancements dans les jambes ou les pieds, des centaines de km de champs de blé ou de forêt, des godillots et des shorts allourdis par la boue, des nuits dans des squares de merde ou des toilettes publiques ; ces paysages d'une beauté sidérante, tous ces moments extraordinaires avec des personnages hors du commun, tous ces regards bienveillants ; et cette question qui me revenait plusieurs fois par jour : Etais-je digne de Vézelay ?
Dès que je la vis, j'obtins ma réponse et je fondis en larmes. Je n'avais pas traversé tout cela pour rien, elle m'attendait ! Je repris mes esprits, continuai à avancer, et pénètrai dans la ville. Là, je dois vous le dire, je me fis un plaisir d'orgueil. Le bâton, la barbe, le bronzage rando, les éraflures un peu partout, le chapeau noir, le pas plus décidé que jamais ; je gravis la rue menant à la basillique en jouant à fond mon personnage ...pour le plus grand bonheur des touristes qui me prenaient en photo par derrière ben oui, j'allais trop vite pour eux). Même les gosses qui descendaient glace à la main, me cédaient le passage en silence. A côté de Rico et son bâton, maître Yoda et son sabre laser auraient eu le charisme d'un schtroumpf jouant avec Sophie la giraffe ! Arrivé sur l'esplanade, fini de jouer. Je me posai sur un banc de pierre et observai. Je compris vite que ce n'était pas mon moment. Il était 15h30 et elle montrait aux touristes ce qu'elle voulait bien laisser apparaître. Je fus auulors abordé par un drôle de couple, des anglais à l'évidence. C'est comme ça, les anglais ça se reconnait (voir note de bas de chronique pour elle). Lui ? Vous voyez Mortiner dans la célèbre série de bandes dessinnées "Blake et Mortiner" de E.P. Jacobs ? Et bien Mortiner, en plus jovial s'avancait vers moi en arborant un t-shirt marqué en son centre d'un grand soleil. Il me proposa de passer la nuit au Centre d'accueil des pélerins Sainte Madeleine, à 30m de là. Je lui expliquai que je n'étais pas vraiment pélerin. Il me fit un sourire très légèrement goguenard et m'expliqua que, qui que je sois, je serai le bienvenu. Il aurait été l'exact opposé de lui-même, c'est à dire français et vulgaire, il m'aurait dit : "et mon cul, c'est du poulet ?" Allez, pourquoi pas après tout, ce sera pratique, et puis va bien falloir à un moment ou à un autre que, n'en déplaise aux coquillettes, tu assumes la dimension spirituelle de ton voyage. Tu vas pas réussir à faire croire à tout le monde que tu t'es tapé tout ça, juste pour le plaisir de te talquer les pieds deux fois par jour. Ok pour Sainte-Madeleine !
Je vois d'ici la tête de Marek et Marcello, mes deux plus que cousins du côté maternel, gardiens de la tradition laïque familiale : Le Rico à la pension Sainte Madeleine ; c'est un coup à convoquer en urgence le cercle des aînés disparus pour trahison et à organiser une expédition de secours. Je les connais, ils en profiteraient pour qu'on se fasse quelques séances d'introspection dans les caves de Chablis. Je vous rapelle les gars que je suis né de deux sang ...et que je suis quand même le type qui arrive à Vézelay le jour de la fête de notre République !
A Sainte Madeleine, je fus accueilli par Jérôme le permanent qui me donna ma chambre, puis retrouvai dans la cour Mortimer (prénommé William en réalité) and Lucie, hospitaliers bénévoles. C'est devant une tasse de thé avec Lucie, prof de latin-grec à Londres que je reçus mes premières informations sur la bénédiction des pélerins. Chaque pélerin, s'il le souhaite, à la possibilité de se faire bénir à l'issue de l'office du matin. William me demanda si je voulais m'y inscrire. Voyant mon trouble, telle une infirmière de White Chapels de 1940 bravant les incendies pour panser les blessés du blitz, Lucie vint à mon secours, et prononca la phrase salvatrice : "C'est un moment d'une grande simplicité. Cela se passe dans la chapelle attenante, quelquefois dans le choeur, mais rarement. Vous n'êtes pas appelé par votre nom ...et puis, vous pouvez  vous décider au dernier moment. OUF ! J'avais encore quelques heures  pour savoir si ma place parmi les pélerins était légitime, ou pas. Sur ce, je montai dans ma chambre pour un moment d'écriture du blog et de tranquilité.

Anecdote rapportée par Lucie pour savoir comment on peut, sans coup férir, reconnaître une anglaise, d'une française :
(C'est en anglais, mais quand vous lirez la fin, c'est important que cela le soit)
"Do you know how you can easily recognize an english woman from a french woman ?
Well, this is very simple.
An english woman wearing a cardigan is just a woman wearing a cardigan. But a french woman wearing a cardigan, just looks like Catherine Deneuve in "Belle de jour".
It's true"