C'est bien connu, les bonnes résolutions sont faites pour ne pas être suivies. C'est le cas ce matin. Décidé à partir de bonne heure, je me lève avec énergie. Et puis voilà, patatra ! Me voilà en pleine discussion avec Estebañ (on va l'appeler comme cela car il n'a pas eu envie de me dire son prénom). Le gars (voir photo), c'est pas une graine de demi-baroudeur, c'est un vrai de vrai. Jugez plutôt : Caracas-Ushuaïa à vélo, Paris-Erevan en vélo de course en autonomie avec des étapes de 300km, marathon de Ushuaïa, marathon de la nuit du 31 décembre en Bavière par -15º, etc... 20 ans qu'il vit une partie de l'année, voire des années entières sur les routes du monde. C'est un théoricien de la chaussette, du cuissard et de la vaseline qui protège la peau d'à peu près tout. Un bavard pas possible ! C'est marrant ça, vous en connaissez vous des voyageurs solitaires bavards ? Mille histoires évidemment ...et voilà Rico en retard.
Je quitte St-Amand à midi. Quelques km d'un combat acharné avec les moustiques (je vous ferai un papier sur la guerre que je mène contre cette espèce depuis mon départ), et me voilà sur la place de Treissy, magnifique petit village typique de la Puisaye. Je m'installe seul sous le porche de l'église pour ma pose, mon linge séchant sur le muret à quelques mètres (il ne pleuvait pas samedi). Personne, le silence total, jusqu'à ce qu'un bruit à la fois familier et oublié ne me sorte de ma torpeur. Roger venait de se mettre à bricoler le moteur de sa 2CV. Une deudoche, une d'époque, une que Roger finissait de mettre au point avant l'arrivée en vacances de ses petits enfants. "Ben oui, les petits ils aiment bien quand on va faire les courses avec ...et puis l'hiver quand les voitures ne passent pas, avec elle c'est tout bon". Roger, 64 ans (il en parait 50 mais n'a pas voulu être sur la photo), c'est l'ancien boulanger du village. Il m'a raconté plein de choses : comment on est bien ici, les jeunes qui s'en vont, les parisiens qui rachètent tout, les gens qui vivent mal dans les villes, la cuisson de ses pains au feu de bois, la maladie de sa femme et donc la mort de sa boulangerie. Il était beau Roger. Merci d'exister.
Fin d'après-midi désespérante à travers d'immenses étendues de blé, avant mon arrivée à Etais-la-Sauvin. Tout était désespérant dans cette fin de journée, y compris la pause diabolo à Sainpuits, avec ces trois rombières locales portant force bagouzes, alignées devant l'écran du bar pour attendre les rafales de numéros du Rapido. A Etais, pas âme qui vive, et l'installation dans un petit jardin public bien sale. Apothéose vers 22h30 et l'arrivée d'un bien triste texto. Je ferai un mot à part pour mon amie Anne.
Bonne nuit quand même.