Samedi soir, le vent m'a dit qu'un grand bateau, pas si vieux, avait quitté le port de Landerneau pour naviguer au-delà de l'horizon. On m'a rapporté qu'il avait largué les amarres dans le silence, comme si, une dernière fois, il ne fallait pas déranger.
Ce navire dont ton bois est issu ; ce n'était pas l'un de ces gallions prétentieux revenu les soutes gavées des Amériques ; ce n'était pas non plus un corsaire armé pour les courses aventureuses. Non, c'etait juste un solide navire, un repaire pour la flotille, celui qui laissait toujours un droit sillage. Il inspirait le respect et je l'aimais bien.
Toi, Sylvie et Pascale (que je connais peu) avaient de solides équipages. Même s'il manquera, François, j'en suis sûr, vous a laissé les clefs de sa table à cartes.
Vous ne serez pas perdues les jours de brouillard. Anne, cette fois-ci non plus, je ne serai pas à tes côtés pour lui souhaiter "bon vent, bonne mer". Soit toutefois certaine que je ne serai pas loin. Je sais qu'Agnès et Sylvie te prendront dans les bras un peu pour moi aussi, pas vrai les filles ?
Demain à 7h, je serai en la basillique de Vézelay. Je sais que, quand les moines auront pris place et qu'ils commenceront à chanter ; que la lumière entrera dans la nef ; ils ne le sauront pas, mais les notes seront pour ton papa. Je te le promets et je t'embrasse.
Eric