Ce fut une journée particulièrement laborieuse. Pas mal de km avalés et absolument personne. Pas un seul troquet pour boire un diabolo réparateur avant 18h30. Juste moi, mes pieds ...et cette nature morvandelle si belle. Des sous-bois avec une lumière qui sublime les nuances de vert, des ruisseaux, des chemins tortueux : un paradis pour randonneur. Pour randonneur solitaire en tout cas. Les seuls être-vivants croisés ont été des lapins et des chevreuils. Pour rompre un peu la monotonie, et me régaler ; je fis de nombreuses poses framboises. Des framboises sauvages gorgées de soleil : un délice !
A 18h30 donc, j'arrive en Hollande. Enfin, dans un café-restaurant auberge tenu par un couple de battaves. Menu en néerlandais, déco partiellement de là-bas, clientèle ; il ne manquait que les moulins et le paysage plat. Il faut vous dire que, dans le Morvan, au moins 40% des maisons sont aujourd'hui détenues par des hollandais. La cohabition à l'air de plutôt bien se passer avec les morvandiau de souche (je hais cette expression). Les locaux savent qu'il faut sauver les villages. Les hollandais y trouvent, je crois : calme, espace et relief.
Mon diabolo bu, je commandai un superbe sandwich jambon-fromage et poursuivis ma route. J'avais bien fait de me reconstituer car une grande côte m'attendait ; et puis Gouloux allait arriver.
Ah Gouloux ! Gouloux et son accueil légendaire !
Avant de vous raconter la suite, juste un petit rappel. Nous sommes dans le Morvan, terre des maquis de résistance, terre des justes, terre d'accueil des opprimés.
Gouloux en vue ! Gouloux est une mégalopole de plusieurs centaines d'habitants dispersés sur une vaste surface. Je sors de la forêt et suis accueilli par un concert de 7 chiens en charge de la protection d'un vaste ...taudis. Cela dure des minutes et des minutes. J'avais encore dû traumatiser ces pauvres quatre pattes.
Inutile de vous dire que l'idée même du camping municipal était illusoire. Je m'installai donc sur une pelouse proprette à côté de la petite salle polyvalente du village. C'est là que je fis connaissance de mes charmants voisins.
A 10m, derrière la haie, voici qu'apparut une indigène. Comme à mon habitude, je décidai d'établir le contact. Je n'obtins quasiment pas de réponse à mon bonjour. Puis je demandai poliment s'il était possible de lui confier mon portable pour une recharge. La femelle poussa alors un cri aïgu et passa le relais au mâle. Je fis de nouveau mon introduction et reformila ma requête. J'obtins un "Non !" Sec et brutal. J'éclatai de rire et lui demandai s'il blaguait. Re "Non !". Je lui expliqua qu'en 750 km, ils étaient les premières personnes à me refuser cet immense service. Se croyant fortiche, il me demanda si j'avais l'autorisation de madame le Maire.
Rico : "Non !".
L'indigène : "Faut l'appeler et demander".
Rico : "Pas de problème, appelez-la."
L'indigène : "C'est vous qui faut l'appeler."
Rico : "Et je fais comment sans téléphone ? De toute façon, on ne va surement pas déranger cette dame à 21h30 pour savoir si je peux occuper 2m carrés du domaine communal, invisible de tous (de toutre façon il n'y a personne), pour les 12 prochaines heures !"
L'indigène : "Faut pas rester là. Z'avez de la place au bord de l'étang."
Bon là j'en avais marre et, sentant bien que mon équipement neuronal était plus affûté que le sien, je me lancai dans une tirade juridique totalement bidon et improvisée sur les autorisations de camper, le devoir de venir en aide quand il n'y a pas d'équipements adaptés, etc... je n'omis pas de saupoudrer le tout de nombre de références numérotés des articles de loi inventés. Il n'y a pas eu match, l'indigène retourna dans sa tannière en bougonnant.
Je pus alors partir tranquille vers le lavoir pour ma lessive et ma douche à la gamelle et à l'eau (très) froide.
Ne manquez pas le retour de nos amis les indigènes demain matin.