6h10, la première alarme sonne. Je ne vois vraiment pas pourquoi j'en ai programmé trois, je n'ai dormi que d'un oeil et encore, par petites touches. C'est bien la peine de lui offrir du luxe à celui-ci, il en profite même pas ! Je me levai au final assez serein et certain que quoiqu'il se passe, j'allais vivre un beau moment. De mes doutes, il ne restait rien. J'avais ma place et comptait bien vivre l'instant avec l'intensité adequate.
Préparé, je descendis donc à la cuisine, où je retrouvai les protagonistes de la veille. Nous partîmes ensemble à la basillique. Chacun s'asseya à un endroit choisi, nous n'étions pas 12 à assister à l'office, en dehors des religieux. Les moines et les bénédictines étaient debout dans le choeur, face à la croix et donc de dos pour les fidèles ; les moines d'un côté, les bénédictines de l'autre, comme il se doit. Ils se mirent à chanter. Il n'y eu que des chants. On peut m'expliquer pourquoi dans nos églises, la plupart des chants sont sinistres ou d'une niannianterie pas possible. Là, tout était profond. Ces hommes et ces femmes chantaient à la perfection. C'était d'une beauté irréelle. L'une des soeurs nottament avait une voix merveilleuse. Elle chanta le "Notre Père" d'une façon indescriptible. Comme chaque jour, les pélerins furent appelés ; mais, de façon apparemment exceptionnelle, la bénédiction des pélerins se fit dans le choeur. Je crois que nous étions 8. Vous êtes là, exactement dans le choeur de Vézelay, ces hommes en robe de bure et ces femmes dans leur aube blanche à un mètre de vous, chantent pour vous. Là c'est pas le frisson, c'est le vent intérieur qui t'emporte. J'ai pensé à tout le monde, ma femme, mes enfants, ma mère, tous ceux que j'aime (famille et amis), les disparus récents ou anciens, ceux croisés sur mon chemin. J'ai tenu ma promesse envers la gitane de Beaugency.
Si ce lieu est un pont, s'il est un messager, c'est à mon père que j'ai adressé le plus fort message. Je ne sais pas si Vézelay a ce pouvoir qu'il l'ai reçu ; mais je sais qu'il m'aurait approuvé et aurait été fier de moi. Vraiment.
Encore quelques minutes, totalement seul, et je quittai ma basillique. Je l'avais méritée, elle m'avait accueilli, j'avais ressenti son énergie. Pour moi, c'était carton plein. Quoiqu'il advienne, mon voyage est réussi. Je pouvais maintenant reprendre mon chemin.