Reprendre mon chemin, certes ; mais non sans avoir pris un solide petit déjeuner en compagnie de William and Lucy. J'ai passé un bon moment de rire avec eux et nottament avec elle, qui me trouvait un air italien et particulièrement frais pour 25 jours de marche (Je n'en tire pas grande gloire, ce n'est pas bien sorcier de passer pour un latin lover auprès d'une londonienne. Si le public mâle de ce blog a des questions pratiques sur l'art de séduire le beau-sexe d'outre-Manche,   mon fils, Pierre, travaille sur une thèse majeure à ce sujet. Il se fera un plaisir d'y répondre). J'ai bien senti que William goûtait assez peu les remarques de son épouse ; d'autant plus que nous venions de nous moquer de lui et de sa "Marmide" ou "Martide", je ne sais plus. C'est une sorte de pâte visqueuse à base de levure que l'on étale comme une confiture. C'est un truc que, dans l'univers connu, seuls nos amis brittaniques étaient capables d'inventer et surtout d'apprécier. Nous nous réconcilions toutefois rapidement autour d'un bon morceau de chaource. L'entente cordiale était préservée, nous ne nous retrouverions pas l'un en face de l'autre, au son du tambour, avec un fusil dans la campagne belge. Comme j'avais vécu Vézelay au-delà de mes attentes, que les buts essentiels étaient atteints ; je me disais donc que je pouvais maintenant rejoindre Genève comme bon me semblait. Je me mis donc à rêver d'une limousine noire, conduite par un portoricain tatoué et bagouzé au costule irreprochable, dans laquelle m'attendraient à l'arrière, une coupe de champagne à la main, une panthère nigériane et une tigresse sibérienne. Outre que ce ne serait pas raccord avec la dimension spirituelle de mon odyssée ; le budget famillial ne me le permet pas. Je retrouvis donc mes godillots crottés.
Dans la cour de Sainte Madeleine, je dis au revoir à Lucy en lui tendant la main. "Oh no ! Let's do it the french way" ...et me voilà gratifié d'un gros poutou sur chaque joue ! William, francophile émérite, ne voulant pas être en reste, se mit à entonner "C'est Eric de Nantes, Ouais, Ouais, Ouais...". Je n'en revenais pas, il connaissait "Jean Francouais" ! Comment en sommes nous arrivés à nous détester déjà ? Merci à eux deux pour m'avoir aidé dans les toutes dernières phases de mes réflexions. Merci à eux d'exister.

Me voilà de nouveau sur mon chemin, sous un grand ciel tout bleu et avec 15 Cº de plus ! Ça y est, je suis vraiment dans le Morvan. Les paysages sont immédiatement superbes. Je m'arrête pour ma pose de debut d'après-midi à Pierre-Perthuis, au frais, au bord de la rivière. J'assiste là à une scène comportementale d'une famille allemande en rando canoé, qui me ramena quelques années en arrière er me fit sourire. Je vous la raconte en bas de texte. J'entamai alors une très longue après-midi morvandelle, avec force montées, descentes et forêts. Je traversai aussi les villages de St-André-en-Morvan et de Chastellux et compris alors que j'avais été bien avisé de faire le plein de provisions en partant de Vézelay ; car je n'y vis aucune épicerie, commerce d'aucune sorte, ni même âme qui vive. En fait, ce n'est pas tout à fait vrai, puisque j'ai réussi à boire un diabolo cassis dans un café improbable (voir photo), tenu par une bistrotière aussi sexy qu'aimable. J'ai manqué de courage, j'aurai dû la prendre en photo ; mais j'ai eu trop peur de me ramasser une tarte dans la figure. Vu le personnage, jamais on aurait retrouvé mon corps et j'aurais nourri le tas de fumier pour les mois à venir. Deux minutes après avoir commandé mon deuxième diabolo (c'est vrai que j'abusais !), je l'entendis depuis sa cuisine "c'est ki part pas c'lui là ka l'sac !". Bon là t'as compris, il est temps de repartir et finir de monter cette foutue côte, il était déjà 19h. La fin de journée fût vraiment difficile ; j'ai perdu le GR. J'ai alors été obligé de longer un lac sans berge aménagée et me retrouvis dans le village de Chalaux, vers 21h45, assez éloigné de mon itinéraire. Le centre du village était d'un sinistre absolu, pas un point d'eau, pas le moindre abri, rien. Heureusement, je finis par tomber sur un homme qui fermait ses volets et qui me conseilla d'aller à la rivière. Là, la cabane des départs en kayak m'attendait. Pas de porte, mais sol propre, 4 murs en bois, un toit et 3 robinet d'eau à 10m. Pas besoin de planter la tente. Je fis un gros dodo.

Comment je fus ému par une famille allemande : 2 canoés accostèrent en même temps sur le petit banc de sable à côté du vieux pont de Père-Perthuis, zone transformée en zone de baignade et de picnic. Dans le premier canoé se tenaient les deux parents et le petit garçon d'environ 7 ans. L'équipage du deuxième était constitué de la grande soeur adolescente et de son amie. Toute la famille déjeuna tranquillement ; puis vint l'heure de la baignade. Le petit garçon voulu bien sûr tester l'eau imméditement. Son père lui indiqua un espace éloigné d'une quinzaine de mètres, mais peu profond et en retrait par rapport au courant principal. J'aurais aussi choisi cette zone là dans la même situation. Visiblement, cela ne convenait pas à la maman qui trouvait son fils bien trop loin d'elle. Sur un air de reproche, elle se retourna vers son mari et lui demanda s'il ne trouvait pas que c'était un peu loin. "Non, il est bien là-bas" répondit le papa. "Mais quand même, il est proche du pont", sur l'air de "Oui, forcément, ce qui arrive à notre fils, toi tu n'en as rien à faire". Le père anlysa de nouveau la situation de risque. Il regarda le gros chêne qui n'était pas loin, le pont et la rivière. Puis, il dit à sa femme : "bon vas-y si tu y tiens !". La mère se précipita pour aller sauver enfant ...de rien du tout.
Je me mis à rire intérieurement de cette situation et surtout de la capitulation du père qui avait renoncé à expliquer à Madame qu'il était hautement improbable que cette grosse branche décide tout à coup de tomber un jour sans vent sur le point faible de ce pont entrainant l'édifice complet au fond de l'eau ; édifice qui supporte le poids des charettes et véhicules divers depuis au moins 250 ans. Ceci provoquant une lame de fond entraînant le petit garçon dans le courant au moment précis où Claudia Schieffer décide de passer nue sur la berge opposée, détournant ainsi l'attention de tous les jeunes hommes présents qui sinon se seraient faits un devoir de sauver le petit.
Ce qui est extraordinaire, c'est la formidable universalité des comportements fondamentaux, quelque soit la culture, la nationalité. Je pense avoir vécu 10 fois ce genre de situation il y a quelques années