Réveil difficile dans le mini parc public de Etais. Il était 8h30 quand j'ouvris l'oeil et j'avais vraiment envie de repiquer. Mais bon,   j'avais faim et une furieuse envie de pain frais. Comme c'est déjà arrivé, le sourire de la boulangère me reconcilia avec le monde et je lui confiai mon téléphone pour la charge nécessaire. De retour sur mon banc de SDF, je profitai du moment, de mon café chaud et de la baguette fraîche. Je ne sais plus si je vous ai prévenu ; mais quand je serai Prèsident de la République, je ferai élever une statue géante à la gloire de ces porteuses de vie de nos villages. Après le p'tit déj, réajustage de mon fil à linge (un tendeur accroché un banc d'un côté et à un arbre de l'autre). C'est alors que je vis sortir mon voisin le plus immédiat, Roger, muni d'un tancarville. Il voulait me le prêter pour que mon linge sèche plus vite. C'est pas trognon ça ? Ce qui est moins trognon c'est la trogne de Roger justement. C'est en buvant le coup de rosé (vous savez celui des bouteilles plastique) que je decouvris que mon hôte avait des gros soucis de dos et qu'il était, avant tout, chasseur devant l'éternel. Le gars Roger, tellement accro au Vittel fraise (à moins que ce ne soit à une autre boisson) qu'il est en tremblotte perpétuelle. Un petit frisson d'effroi à l'imaginer au fond des bois avec un fusil... Une fois tout plié, me voilà repartis, non sans être passé récupérer mon bien auprès de ma boulangère. Les fougasses à l'andouillette sortaient du four ...inutile de vous dire ce qu'il arriva. Je sais, je suis faible ! Allez, un dernier petit compliment à madame et elle me glissa un pain au chocolat avec mon chargeur : "pour la route". Si je deviens Pape plutôt que Président, je les cannonise toutes !
A peine eus-je avancé d'un km qu'une vieille accompagnatrice repointa son nez : La pluie ! On a beau être de Plougastel et de ne pas fondre à la première averse ; quand on en est à la 253ème en quelques jours ; un petit instant de lassitude est permis. D'autant plus que, devant vous, se présente une étendue céréalière plus vaste que les plaines d'Ukraine.
Mais voilà, non seulement le Rico il est de Plougastel ; mais en plus il a eu des grands-parents communistes (d'un côté seulement, car de l'autre côté c'était ambiance missel). Soudain, s'amplifia dans ma tête un petit air ancien. J'étais en train d'entonner dans ma tête un chant du Choeur de l'Armée Rouge ! Parrainé de cette façon, tel le tovaritch  guerrier armé de sa mitraillette à chargeur à plateau sortant de son abri enneigé pour reconquérir chaque mètre carré de la Mère Patrie souillée par la botte nazie ...me voici enfilant mon kway. Plaine de Bourgogne, à nous deux ! Porté par Josef, j'ai mangé les bornes à la vitesse d'une katioucha : meilleure moyenne depuis le début de l'aventure ! Et vous savez quoi ? À la pose de midi, j'ai regardé mes fichiers musicaux. Je pensais y trouver ce fameux air. Il était là ; et vous voulez le titre : "Plaine, ma plaine". Désolé, mais ça ne s'invente pas ! Blague à part, bien plus que le goût pour les armes de Staline, je crois que se sont mes grands-parents communistes qui m'ont transmis l'amour de mon prochain. Désolé pour les cathos ; je les aime bien aussi ; mais en matière de foi ou d'amour, rien ne se range dans des cases. C'est d'un pas alterne que je fis mon entrée à Andryes, lieu désigné pour la pose de 14h30. Je tombai alors sur la préparation de la fête nationale, doublée ici par la fête de l'escargot (pour ceux qui ne suivent pas, je suis en Bourgogne). Comme me l'a dit un bénévole : "d'habitude il fait beau ; mais là pour l'escargot, on est bon". Vivement que je tombe sur la fête des cigales !
Après cela, j'avais une partie délicate à jouer. J'avais décidé d'atteindre Asnières-sous-bois. Le GR me faisant faire un détour effroyable, je décidai d'y aller à la boussole. Ce fût vraiment compliqué : forêt très épaisse quasiment sans voies tracées et une portion de champs de blé à longer (3 ou 4 km). Après 4 heures de marche forestière, ce n'est qu'à la nuit tombante que je sortis vainqueur de ma dernière épreuve avant Vézelay. J'y serai demain assez tôt. C'est d'ailleurs pour y passer du temps que j'ai joué les marathoniens depuis deux jours. Vézelay est pour moi la grande étape de ce voyage. J'ai envie de voir ce Grand Lieu depuis très longtemps. Je ne sais plus vraiment pourquoi. Vingt fois j'aurais pu m'y rendre ; mais j'avais toujours cette double impression de ne pas être prêt et que je devais le mériter. Ai-je mérité Vézelay ? L'Esprit du lieu deignera t-il me toucher ? C'est sur cette forme d'appréhension que je m'endors ce soir ...dans les toilettes publiques d'Asnières.