Levé un peu sinistre sur le sol béton du lavoir. Je commençais à peine à émerger quand 3 pélerins pour Compostelle débarquent dans mon lavoir. Il devait être 8h30, cela faisait 3 heures qu'ils marchaient (le vrai marcheur se lève aux aurores, c'est comme ça, les autres sont des feignasses). Ils étaient complètement épuisés et cherchaient du pain. Quand je leur ai annoncé que la prochaine boulangerie étaient à 5km, ils se sont décomposés. Pour les remonter (surtout que j'avais senti des tensions entre eux), je leur propose un café. Leurs regards s'éclairent et ils viennent vers moi. Je leur dis alors de sortir leur tasse, gobelet ou autre. Mes 3 nigodouilles me regardent benoitement : "ben, on en a pas". C'est ça du con et moi je me déplace avec un service en porcelaine de Sèvres au cas où je reçoive du monde. Comme ils disent dans le film, je leur ai répondu : "Pas de tasse, pas de café". Vous l'avez compris, les coquillettes commencent à me prendre le choux. "Les paysages sont nuls, vivement qu"on soit dans les montagnes", etc... Mais c'est sûr, eux c'est spirituel.
Le midi, re-coquillettes : Cette fois 4 dames sexagénaires dans leur premier jour de marche. 3 adorables ...et le chef. Une espèce de dragon qui savait tout, qui avait tout vu, qui avait le meilleur équipement. Si les 4 arrivent au bout (c'est à dire à Saintes), je propose une collecte nationale poir l'édification d'un monument en l'honneur du courage et de l'abnégation des 3 autres dames charmantes.
Pour l'instant j'ai rencontré un vrai pélerin, un étudiant hongrois, un type charmant, humble, en quête de, l'esprit grand ouvert. Il était en autonomie, très peu d'argent, pas de matériel dernier cri, marchait 40km/jour. Lui, il est sur le chemin et il arrivera forcément jusqu'à Santiago. Respect total.
En attendant d'en croiser d'autres dans son genre, j'ai donc décidé de les appeler les coquillettes.
Après-midi banale, jusqu'au moment où, au détour d'une ruelle, je tombe sur un portail de ferme avec des ardoises posées là où il était inscrit : "Entrez c'est ouvert", "Donnez, si vous voulez", "Servez-vous". Vous commencez à me connaître, inutile de vous dire que même si j'avais décidé de tracer comme une flèche, je n'ai pas hésité longtemps. Je tombe alors sur Vilain, 87 ans. L'ancien propriétaire des lieux, paysan de son état. Il me raconte sa vie, le bon beurre qu'il faisait, les quintaux d'asperges ...sa colère face à la merdasse qu'ils nous font bouffer aujourd'hui chez Intermarché. Un altermondialiste qui s'ignore. En plus, il avait une gueule de cinéma. Dommage que ma batterie fusse à plat (j'avais mis à charger, mais elle n'était prête à ce moment là), je ne pourrai pas vous en faire profiter. Puis Vilain s'en alla "retrouver ma belle" et arriva Valérie. Déjà ça commençait bien ; je ne connais que des Valérie sympas, toujours douces et proches des autres (j'ai une lectrice du côté d'Orsay que j'embrasse bien fort). La personne qui venait vers moi était la belle fille de Vilain et l'instigatrice de ce bel endroit. "J'avais envie de faire quelque chose pour les gens, un endroit pour se sentir bien. Je demande rien. Celui qui ne veut ou ne peut pas payer, c'est pas grave. C'est pour les promeneurs, les cyclistes qui parfois me demandaient de l'eau. Il y a des jus de fruits, du café chaud, des gâteaux. Evidemment, c'est ceux qui ont le plus qui ne donnent pas" La voilà partie à me raconter des tas d'histoires : l'allemand qui voulait lui acheter toute la déco et qui sortit ses gros bilets, les bourgeoises qui veulent avoir du chocolat et qu'on les serve, les gens "bien" du voisinage qui font tout pour qu'elle arrête mais qui ne peuvent rien vu que c'est du don. Un bel endroit, dans l'esprit des filles du bord du Louet. Merci d'exister ! (Comme d'autres Valérie que je connais, elle ne voulait pas être sur la photo)
Après ce moment de bonheur, vous vous en doutez, j'ai survolè les derniers km jusqu'à Cellettes.
squ'à Cellettes.
Chanson du jour à méditer : "Non les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux..."